29 sept 2011
De nouveau à la BNF, pour retrouver de vieux réflexes... Mon esprit flotte dans une douce confusion mélancolique.... Depuis trois ou quatre jours, depuis que pour des besoins triviaux de rangement et d'ordre dans l'appartement -où la cohabitation "raisonnée" est de mise- depuis qu'un certain carton empli de vieilles correspondances "poussiéreuses" (non son contenu, juste par le dépôt d'une poussière bien réelle, fruit du temps), demande à être trié.
Me voilà donc plongé, depuis peu, dans mon passé épistolaire, le plus souvent amoureux. Des fantômes d'amours adolescents refont surface et prennent une dimension nouvelle, à un âge où la vie passée, bientôt prendra le pas sur la présente.
La mort et/ou la maturité, sinon la vieillesse, donne aux anciens amants la dimension d'une mythologie. Je veux dire que ces lettres "naïves et légères", témoignant d'amours passées, balbutiantes, ont pris avec le temps une épaisseur de roman...
...ces filles qui m'ont aimé, et que j'ai aimé en absolu, sans calcul aucun, jusqu'à perdre raison...
Je n'aurais jamais imaginé leur force évocatrice, capable de vous faire retrouver intacts des frémissements d'âme, des sensations à fleur de peau, comme vivantes encore, dans toute leur fraîcheur et leur jeunesse...
"...avec les femmes, il pouvait dire presque à coup sûr ce qui allait sortir de sa boîte, quelle allait être leur réaction dans une circonstance donnée... C'était peut-être que les mouvements des femmes ont quelque chose de fait en série, mettons: de classique ... Qui a dit, cruellement... qu'il faut choisir d'aimer les femmes ou de les comprendre...?"
"...les mâles n'ont pas d'âme pour la félicité. À leurs yeux le bonheur est un état négatif, insipide au sens littéral du mot, dont on ne prend conscience que par un malheur caractérisé: le bonheur s'obtient en n'y pensant pas."
"Il arrive toutefois que l'homme ait une conception positive du bonheur. Le bonheur est alors pour lui la satisfaction de la vanité... la vanité est la passion dominante de l'homme. Il est faux qu'on puisse faire faire tout ce qu'on veut aux hommes avec de l'argent. Mais on peut faire faire tout à la plupart des hommes en les prenant par la vanité... un homme sans vanité n'est plus dans le jeu: il jette un froid, on le tient à l'écart."
H. de Montherlant "Les jeunes filles"
Montherlant rejoint ici Mathias Aires (philosophe Portugais méconnu de l'âge des lumières) dans son jugement sur la vanité. Mais ai-je été vaniteux? Je me pose sincèrement la question. Pourquoi avoir renoncé à telle femme pour telle autre? Par vanité?
Si le bonheur s'obtient en n'y pensant pas, alors je puis dire que dans ces années soixante-dix j'ai été heureux comme personne sans y penser. J'étais dans une telle recherche de contact, de la compagnie des femmes, que je ne tenais aucun compte de ma propre conservation. Peu importait mon avenir "social", tout ce que ce nouveau siècle, matérialiste en diable, chérit aujourd'hui. Ma situation matérielle m'était indifférente, seules la richesse des mots, la quête du sens, les émotions fugaces de cette éducation sentimentale au contact des femmes, qui étaient pour moi des complices du bonheur, comptaient.
La Guerre des Sexes n'était qu'un jeu. Un colin-maillard où nous tenions notre rôle en fonction de ce qu'il était "convenu" de chacun, en fonction d'un pôle (ici: symboles homme/femme), de cette bipolarisation que l'on y devait tenir et respecter.
C'était l'amour "copain" sans niaiserie, à fleuret moucheté. Les piques incessantes venaient corriger les écarts mais tout se corrigeait au lit, dans la transcendance fulgurante du sexe, sérieux et intense. Ce sexe qui nous en imposait et nous dominait quoi que nous en pensions.
Si Montherlant était dans le vrai en disant qu'il faut choisir d'aimer les femmes ou de les comprendre, alors je puis dire que j'aurais essayé les deux. Entrer dans leur intimité pour tenter de résoudre cette antinomie. Aimer leur esprit autant que leur corps. Être Éros et Psyché tout à la fois.
Alors, me direz-vous, quelle vanité! Et vous aurez mille fois raison. Là fut ma vanité et non celle qui consiste à vouloir briller dans le monde. Encore moins de faire cas de mes exploits sentimentaux comme un coq de basse-cour, ce qu'aurait fait tout bon mâle qui se respecte.
Mes "conquêtes", mes exploits, ma "bandaison" autant mentale que physique, la beauté, la rareté, l'exception de ces femmes étaient mon jardin secret et non prétexte à vulgarité.
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