2013/02/21

INOXIDABLE

Tu n'as pas changé...


Souvent je me suis levée de bonne heure pour m'entendre dire des choses fort désobligeantes. À la question, flatteuse, posée par certains journalistes de tabloïd (ou de télé-trash)  -"Vous assumez des rôles qui ne sont pas totalement... 'évidents' pour une actrice"  (sous entendu: comme vous) ou encore... "Chacun peut constater votre côté 'inoxidable'... quel est votre secret?". Rassurez-vous, volontairement, je n'emploie pas les vrais termes, tout en collant parfaitement à l'esprit. 

Je vous passe les silences équivoques, allusions à peine voilées, à votre sale caractère, au montant mirobolant de vos cachets...

Plutôt que de pratiquer la brasse coulée, avec bredouillements inaudibles, feinte gêne, perplexité, je tente illico la natation synchronisée avec feu d'artifice, franc éclat de rire, sans omettre aucun de ces "trucs" de métier appris de Maman...

En fait, je rêverais de pouvoir lui répondre le plus ingénument du monde "mais mon choux, je ne suis pas plus inoxidable que ton dentier, tes implants, ton pacemaker ou ta moumoute"… Pas encore diplômée ès coups tordus, l'ingénue d'autrefois aurait pu ici trébucher, passant pour la parfaite idiote. Autrefois j'aggravais toujours mon cas, sans avoir le réflexe conditionné.

Aujourd'hui, je lui décocherais plutôt un petit coup de talon-aiguille bien ciblé dans l'entrejambe, sous le pupitre du studio. Serais-tu en train de me faire comprendre mon minou, qu'ainsi que tout le monde entier peut le constater, tu t'es pris dix ans dans la vue. Qu'il n'y a que le Crétin des Alpes, produit de terroir AOC, et les amibes, à la rigueur, qui n'évoluent jamais, quand toi tu continues de faire comme si… 

 "Tu n'as pas changé" est le genre compliment préjudiciable à ma naturelle modestie, déstabilisant au possible, masquant mal surtout l'ironie perfide. La vie étant une éternelle transformation, comme chacun sait. Ceci, en contradiction totale avec cette autre vérité, du Cinéma, qui voudrait que mon image devienne inaltérable comme par magie. Tout admirateur n'aimant pas voir vieillir ses idoles. Pour la bonne raison qu'en miroir, cela lui rappellerait trop qu'il n'a plus si bonne mine, depuis les premiers Marquise des Anges...

À moins de nouvelle publicationplutôt fracassante, dans la revue "Nature" je saurais au minimum répondre pour les amibes, dont l'ADN reste stable et attesté depuis les origines de la Vie Terrestre, et dont le système reproductif fait qu'elles sont toutes la même "personne" depuis l'origine. Pour le Crétin des Alpes... on dispose d'un peu moins de recul pour être aussi affirmatif quant à sa non-évolution. Je pourrais m'inquiéter, par contre, d'être née quelque part dans un hameau à la fin de l'hiver, après plus de six mois d'isolement dans un massif au relief accidenté... Ayant de ce fait, de grandes chances d'être issue d'une lignée de consanguins notoires...

En vérité, j'aimerais penser que je suis inaltérable...  Ainsi, après l'interminable liste des remerciements à ma remise de César, je pourrais envoyer illico un SMS à Maman, Outre-Tombe, pour la remercier. Elle m’a souvent reproché ma mauvaise humeur. Prétexte en vérité, elle qui n’a jamais supporté de me voir lui grignoter ses rôles un à un. La mauvaise humeur conserve, la sienne était en acier trempé. 

N’empêche, elle est bien en train de se faire boulotter par le fondement !

Pour être parfaitement juste, et équilibrée, devrais-je rappeler à tous les Tabloïd ce que je dois à mon chirurgien, à mon coiffeur, mon maquilleur, aux chef-ops des productions Paramount, à la société productrice de Botox, au Viagra, que sais-je encore… La liste serait infinie…

Alors comme ça, oui… je n'ai pas changé…




2013/02/12

Sur le front de l'emploi

La "Seconde Chance"


  On ne dira jamais assez l'efficacité de ces "Salons de l'Emploi pour Seniors" qui fleurissent un peu partout en France. Ce public de seniors, justement, très nombreux dans les couloirs du "Salon de l'Emploi des Seniors" du très hype Cent-Quatre, Centre Culturel de la Ville de Paris encore rebaptisé "Lieu du Tout-Monde", où on a pu entendre des propos réconfortants et très clairs... - Il nous appartient de vous former et vous informer. Nous allons vous aider à réussir. Et comment ! S'il en était encore besoin, ceci démontre que dans une perspective de faillite du système des retraites ces salons sont proprement incontournables. Un Directeur Commercial de grande entreprise du CAC 40 aurait même prit soin de commenter par la suite... - Des réseaux commerciaux qui recrutent des abrutis pour en faire des cloches il en existe des tonnes. D'un tas de lavettes, moi je vous fais un escadron de rentre-dedans. Pour ceux qui penseraient pouvoir gagner de l'argent sans rien foutre, laissez-moi leur dire... Vous serez bien mieux chez les concurrents ! (rires de l'assistance)

  Enfin, voici une correspondance (ci-dessous), comme un touchant témoignage de réinsertion en bonne voie. Au chômage depuis plus de 36 mois, saisi par notre photographe dans son intimité même, cet homme se penche sur le contenu de sa lettre de motivation. Il en résulte une émouvante scène de famille, qui redonne espoir...

Monsieur,
Suite à notre entretien du 15 courant permettez-moi de vous exprimer ici ma gratitude. Je ne saurais jamais assez vous remercier d'avoir sû répondre à mes légitimes interrogations. Arrivé comme moi au seuil de ses 89 ans, la tendance forte chez l'individu est de vouloir s'auto-médiquer de doux justificatifs d'échec "naturel" du fait de l'âge, pour en retirer un illusoire réconfort. Je ne faisais effectivement que m'appesantir sur mon sort, balayant d'un regard un peu trop complaisant le chemin parcouru, loin d'envisager celui encore à parcourir. Par de petites phrases de réconfort, vous m'avez ouvert un horizon réaliste. Me démontrant fort judicieusement qu'un bilan de vie professionnelle c'est d'abord admettre avoir contourné l'obstacle jusqu'ici, plutôt que de l'avoir réellement affronté. Implacable vérité, qui redonnera désormais un sens à ma vie de nonagénaire. Derrière l'apparente rudesse de vos propos se dissimulait (mal) un coeur fraternel. De suite, j'ai pu identifier ce qui, jusqu'ici, me fit défaut dans une existence erratique. Quelque peu égaré en effet, peu enclin à me sortir d'une attitude contemplative et purement esthétisante du Monde, de ses méandres hypnotiques, jamais lassé. Plus conquis que conquérant, plus séduit que séducteur, plus leurre que prédateur, plutôt le bouchon de surface ballotté sur son fil, que la vague déferlante...

Grâce à cette perche généreusement tendue par vous je vais me ressaisir enfin, pour un nouveau départ. Par ce CDD à temps partiel de colleur-de-timbres-sur-cartes-de-ventes-promotionnelles-par-correspondance-de-Viagra je vais enfin pouvoir redémarrer dans le vrai monde, commencer une seconde vie.

Bien à vous...