Ça peut toujours servir
Il prenait des notes,
Griffonnait des bribes de discours,
Commentaires,
Impressions fugaces,
Fenêtres ouvertes
Sur lui-même,
Ce qu'il croyait être,
Sa vie.
Il rassemblait, compilait,
Thésaurisait,
Dans les greniers de sa tête,
Un fatras de choses mentales,
Un amas de futilités impressives,
Et fort imprécises.
Quand il était petit,
Sa mère lui disait toujours:
Ramasse,
On ne sait jamais
Ramasse, mon petit,
Ça peut toujours servir...
©ClaudeHenriMarron Automne 1985
Dure gageure, que l’entreprise littéraire, cela tient à la fois du marathon et du saut d’obstacle. D’abord, il faut tenir, tenir la distance. Deux-cent-cinquante pages, minimum, pour pouvoir justifier du titre. Tenir la distance encore, pour éviter la disqualification. Passant de romancier prometteur à scribouillard, on vous rétrograderait au classement général en deuxième division littéraire. Catégorie juste en dessous, tout juste bon pour la nouvelle, fort mauvais pour le marathon. Pour ce qui est du saut d’obstacle, éviter les innombrables embûches. Tenir, tenir encore, malgré votre entourage qui vous talonne sur ce chemin de croix. Des proches, par ailleurs, qui vous adorent mais ne dédaignent pas entonner un suave chant qui vous attire près des écueils, ayant pour nom découragement ou autosatisfaction alternativement. Ces Syrènes en toute bonne amitié vous naufragent. Ceux-là agissent pour votre bien. Les autres, ennemis déclarés, leurs sarcasmes et franche hostilité ne vous atteindront que si vous le voulez bien. En entreprise de démolition, vos proches sont perfidement plus efficaces.
Depuis toujours, il hésite, il balance, il oscille
Perpétuellement, entre l'action et les rêves
La vie, son ombre, le réel et son spectre
À l’image de sa propre existence
À peine éprouvée
Une sensation est déjà dissoute
Il lui semblait que, de ces instants
volatiles, éphémères
Les mots…
Les mots seuls sauraient saisir la Quintessence
Quelque substrat d’éternité
Truchement de l'écriture
À défaut d’images les plus fidèles
De cette existence
À son vécu
Les mots…
Les mots sauraient, enfin
Donner du sens
Mais comment celle-là
Traduire sans trahir
Quand les mots vous sont si infidèles
Les mots...
De l’écriture, il espérait un discours
Essentiellement concret
Peuplé d'images et d'objets
Dont l’assemblage ferait naître l’émotion
Les mots...
Un discours simple, clinique, allant à l'essentiel
Aucunement monument littéraire, partant
De la vraie littérature
Les mots...
De leur assemblage, naîtrait l'émotion
Mais au moment ultime, de rassembler ses impressions
La concrétisation imagée lui faisait défaut
Les mots…
Les mots, au stade critique, les mots se dérobaient
Et tout, tout alors prenait allure de cliché
Et c’est ainsi que...
Depuis toujours, il hésite, il balance, il oscille
Perpétuellement entre l'action et les rêves
La vie, son ombre, le réel et son spectre
©ClaudeHenriMarron Automne 1985
Les mots, si peu fidèles, ces mêmes mots–abîmes
Dont il se plaignait, autrefois, ces mots qui l’enfermaient
Dans le carcan du langage, des images toutes faites,
Des idées reçues, du style mort, des phrases ampoulées,
Que des études laborieuses lui avaient inculqués.
Des mots si peu vrais, qu'ils trahissent
Le manque de naturel de la Pensée.
Incarnations du désespoir, les mots...
Les mots ce soir, le libéraient.
Et il en remerciait le hasard, cet enchaînement casuel
Qui de lui, sans doute, ferait un magicien du Verbe.
Les mots, cette fois, le reliaient au sensible.
Jouissant d’une emprise, enfin, sur le vivant
Les images verbales ne trahiraient plus ses sensations.
Cet univers du concret, qui sans cesse auparavant,
Lui échappait…
Écrivain du possible, plus jamais entre les doigts
Ce Monde insaisissable ne lui coulerait.
Les mots désormais, seraient ses clés, ses attaches,
Ses cordages en résonance. Le mettant en intelligence
Avec l’univers des mondes sensibles…
©ClaudeHenriMarron Automne 1985
Plutôt que de plonger dans les souvenirs, barbotter dans les chaos du passé, ressasser des situations connues, préférez donc inventer des nouveautés. Puisant dans le flot impétueux de votre imagination, innovez sans fin. Pétrissez dans la glaise des mots des êtres qui vous sont inconnus. Des formes issues de rêves à venir, des fantômes habitant l'espace d'un cerveau hanté. À votre grande surprise, ces étranges créatures peuplant l'Immatériel prendront vie, s'animeront, s'échapperont par la magie des touches alphabétiques d'une machine à engendrer l'anti-matière, à pulser l'imaginaire. La foule se pressera aux orifices ainsi entaillés, brèche de plus en plus béante, plus prolifiques s'y engouffreront des flots fictionnesques d'un type nouveau. Fruits d'une autre dimension, galaxie intemporelle, Quatrième Zone de l'Esprit...
©ClaudeHenriMarron 1985
Griffonnait des bribes de discours,
Commentaires,
Impressions fugaces,
Fenêtres ouvertes
Sur lui-même,
Ce qu'il croyait être,
Sa vie.
Il rassemblait, compilait,
Thésaurisait,
Dans les greniers de sa tête,
Un fatras de choses mentales,
Un amas de futilités impressives,
Et fort imprécises.
Quand il était petit,
Sa mère lui disait toujours:
Ramasse,
On ne sait jamais
Ramasse, mon petit,
Ça peut toujours servir...
©ClaudeHenriMarron Automne 1985
L’Entreprise littéraire
Dure gageure, que l’entreprise littéraire, cela tient à la fois du marathon et du saut d’obstacle. D’abord, il faut tenir, tenir la distance. Deux-cent-cinquante pages, minimum, pour pouvoir justifier du titre. Tenir la distance encore, pour éviter la disqualification. Passant de romancier prometteur à scribouillard, on vous rétrograderait au classement général en deuxième division littéraire. Catégorie juste en dessous, tout juste bon pour la nouvelle, fort mauvais pour le marathon. Pour ce qui est du saut d’obstacle, éviter les innombrables embûches. Tenir, tenir encore, malgré votre entourage qui vous talonne sur ce chemin de croix. Des proches, par ailleurs, qui vous adorent mais ne dédaignent pas entonner un suave chant qui vous attire près des écueils, ayant pour nom découragement ou autosatisfaction alternativement. Ces Syrènes en toute bonne amitié vous naufragent. Ceux-là agissent pour votre bien. Les autres, ennemis déclarés, leurs sarcasmes et franche hostilité ne vous atteindront que si vous le voulez bien. En entreprise de démolition, vos proches sont perfidement plus efficaces.
Entre nous, pourquoi se donner tant de mal, passer tant de nuits blanches? Pourquoi noircir d’une encre bon marché quelques rognures de bois? D'écorce mal blanchie, aplatie en fins quadrilatères, numérotés de 1 à 250. Qui se donnera jamais la peine de lire, avec toute l’attention qu’elles méritent, ces anthologies de la pensée dérangée? Vos proches, toujours, vous connaissent trop bien, c'est bien pourquoi ils voudraient vous protéger des écueils. Ces quelques feuillets où, si laborieusement, vous couchez vos fantasmes avortés, à quoi bon? Vous leur avez, par ailleurs, tellement rabâché! Pourquoi y verraient-ils la marque de nouveauté, quand vous-mêmes n’y trouvez votre compte...
©ClaudeHenriMarron Automne 1985Les mots (1)
Depuis toujours, il hésite, il balance, il oscille
Perpétuellement, entre l'action et les rêves
La vie, son ombre, le réel et son spectre
À l’image de sa propre existence
À peine éprouvée
Une sensation est déjà dissoute
Il lui semblait que, de ces instants
volatiles, éphémères
Les mots…
Les mots seuls sauraient saisir la Quintessence
Quelque substrat d’éternité
Truchement de l'écriture
À défaut d’images les plus fidèles
De cette existence
À son vécu
Les mots…
Les mots sauraient, enfin
Donner du sens
Mais comment celle-là
Traduire sans trahir
Quand les mots vous sont si infidèles
Les mots...
De l’écriture, il espérait un discours
Essentiellement concret
Peuplé d'images et d'objets
Dont l’assemblage ferait naître l’émotion
Les mots...
Un discours simple, clinique, allant à l'essentiel
Aucunement monument littéraire, partant
De la vraie littérature
Les mots...
De leur assemblage, naîtrait l'émotion
Mais au moment ultime, de rassembler ses impressions
La concrétisation imagée lui faisait défaut
Les mots…
Les mots, au stade critique, les mots se dérobaient
Et tout, tout alors prenait allure de cliché
Et c’est ainsi que...
Depuis toujours, il hésite, il balance, il oscille
Perpétuellement entre l'action et les rêves
La vie, son ombre, le réel et son spectre
©ClaudeHenriMarron Automne 1985
Les mots (2)
Les mots, si peu fidèles, ces mêmes mots–abîmes
Dont il se plaignait, autrefois, ces mots qui l’enfermaient
Dans le carcan du langage, des images toutes faites,
Des idées reçues, du style mort, des phrases ampoulées,
Que des études laborieuses lui avaient inculqués.
Des mots si peu vrais, qu'ils trahissent
Le manque de naturel de la Pensée.
Incarnations du désespoir, les mots...
Les mots ce soir, le libéraient.
Et il en remerciait le hasard, cet enchaînement casuel
Qui de lui, sans doute, ferait un magicien du Verbe.
Les mots, cette fois, le reliaient au sensible.
Jouissant d’une emprise, enfin, sur le vivant
Les images verbales ne trahiraient plus ses sensations.
Cet univers du concret, qui sans cesse auparavant,
Lui échappait…
Écrivain du possible, plus jamais entre les doigts
Ce Monde insaisissable ne lui coulerait.
Les mots désormais, seraient ses clés, ses attaches,
Ses cordages en résonance. Le mettant en intelligence
Avec l’univers des mondes sensibles…
©ClaudeHenriMarron Automne 1985
Quatrième Zone
Plutôt que de plonger dans les souvenirs, barbotter dans les chaos du passé, ressasser des situations connues, préférez donc inventer des nouveautés. Puisant dans le flot impétueux de votre imagination, innovez sans fin. Pétrissez dans la glaise des mots des êtres qui vous sont inconnus. Des formes issues de rêves à venir, des fantômes habitant l'espace d'un cerveau hanté. À votre grande surprise, ces étranges créatures peuplant l'Immatériel prendront vie, s'animeront, s'échapperont par la magie des touches alphabétiques d'une machine à engendrer l'anti-matière, à pulser l'imaginaire. La foule se pressera aux orifices ainsi entaillés, brèche de plus en plus béante, plus prolifiques s'y engouffreront des flots fictionnesques d'un type nouveau. Fruits d'une autre dimension, galaxie intemporelle, Quatrième Zone de l'Esprit...
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