2012/02/04

Le vide


Dans un ordre
Et des dimensions qui nous plaisent
Reconstituons le Puzzle,
Je vous prie, gros ou petit.
Dans le désert Hoggar,
Sahara, Néguev,
Texas, Mexique, Arizona,
Il y a...
Pierre, cailloux, rocher,
Sable en quantité.
Il y a...
D'autres cailloux, d'autres pierres,
Du sable encore,
Du sable beaucoup,
Du sable à satiété.

Il y a...
Tout ce qu'on peut y recenser.
Mais nul doute que
Pour nous encore 
Il restera...

Le Vide!

Depuis l'Empreinte de notre talon
Sur un sable brûlant
Jusqu'à la ligne d'un horizon rougeoyant,
Pour nous tout n’est que vide.
Dans l'Univers infini et glacé
Le point de départ
C'est le Vide.

Et dans l'ombre toujours,
Malgré nos efforts,
Quelque élément ignoré,
Non répertorié.
De ces lacunes mêmes,
Dans l’appréhension
Globale des choses,
Dans la mémoire défaillante,
Dans notre esprit,
Et par son imperfection,
L’Homme créa le Vide.

Le vide étant encore
Ce qui laisse la part belle
À l'imagination,
On le créera toujours assez fidèlement.
Quoi de plus énigmatique
Que cette notion d'espace désertique,
Quoi de plus poétique aussi?

L'absence, en nous toujours,
Suscitera et continuera
D'attiser le désir.
L’attente, l’oubli, les silences, 
Les soupirs, les non-dits
Capital !
De nos discours,
L’Obscur,  l’Inexpliqué,
Exciteront le plus notre curiosité.

De notre passage sur terre
Que restera-t-il ?
Dans le meilleur des cas
Bribes de discours échappées,
Presque par mégarde,
Vérités d'un mouvement de lèvres
Et de mâchoires,
Plus que suffisantes.

L'intérêt d'en dire plus?

Télégramme inachevé,
Ta langue hachée 
De mâcheurs de chewing-gum
Toujours pour nous, sera
La meilleure littérature qui soit.
Septembre 85
©ClaudeHenriMarron

L' Oubli



Le souvenir ne peut exister sans l'oubli
Paradoxe et non le moindre,
Et notre plus grande chance sur Terre.
Il serait impensable d'imaginer
Pouvoir tout retenir de sa vie.
Chaque instant, chaque émotion,
Chaque nuance subtile
Des multiples sensations
Qui nous habitent.
Au cours de chaque attitude,
Chaque geste ou mouvement
De notre corps.
Chaque état de nos pensées
Qui l'accompagnent,
Le tout s'accumulant sans cesse
Dans cet immense entonnoir,
Qui serait... Nous !

Imaginez un instant
Qu'il n'existe que le présent
Qui s'accumule,
Et l'avenir qui s'y déverse
À chaque seconde...
Monstrueuses machines
Nous serions.
Réceptacles sans fin
À mémoires,
De faits et d'actes,
De pensées et d'émotions,
De sensations
Sur lesquelles nous n'aurions
Aucune prise, aucun recul possible.

Heureusement, le sommeil existe
Et avec lui le passé, l'oubli,
De la mémoire, la grille du tamis.
Comme si, dans le flot
Incohérent d'une existence,
Ne laisseriez passer
Que ce qui fait la raison d'être,
L'essence même du vécu.
Au plus profond il sélectionne, 
Comme un filtre actif, il agit.

Puis ces reliquats, ces ersatz,
Qui nous caractérisent,
S'accumulant, se mélangeant,
Agissant chimiquement
L'un sur l'autre,
Dans ce réceptacle,
Ils se fondent, s’interactivent,
Pour de notre mémoire devenir,
Ce que l'on nomme les souvenirs.

Curieux phénomène que ce jeu
Miraculeux et subtile
Qui, par un effet magnifiant de lentille
Par laquelle notre oeil interne,
Le temps passant, intercède.
De notre Passé il se fait
Que ces mêmes reliquats, ces ersatz,
Sont devenus joyaux, perles et diamants,
Pierres précieuses, or fin et pépites...
Alchimie foisonnante et grâce,
Ayant dans l'ombre du cerveau agi.

Accumuler des souvenirs trompeurs,
Par notre mémoire embellie,
Tel semble bien
Notre destin ici-Bas.


Automne 1985 / Janvier 2012

©ClaudeHenriMarron