2012/02/04

L' Oubli



Le souvenir ne peut exister sans l'oubli
Paradoxe et non le moindre,
Et notre plus grande chance sur Terre.
Il serait impensable d'imaginer
Pouvoir tout retenir de sa vie.
Chaque instant, chaque émotion,
Chaque nuance subtile
Des multiples sensations
Qui nous habitent.
Au cours de chaque attitude,
Chaque geste ou mouvement
De notre corps.
Chaque état de nos pensées
Qui l'accompagnent,
Le tout s'accumulant sans cesse
Dans cet immense entonnoir,
Qui serait... Nous !

Imaginez un instant
Qu'il n'existe que le présent
Qui s'accumule,
Et l'avenir qui s'y déverse
À chaque seconde...
Monstrueuses machines
Nous serions.
Réceptacles sans fin
À mémoires,
De faits et d'actes,
De pensées et d'émotions,
De sensations
Sur lesquelles nous n'aurions
Aucune prise, aucun recul possible.

Heureusement, le sommeil existe
Et avec lui le passé, l'oubli,
De la mémoire, la grille du tamis.
Comme si, dans le flot
Incohérent d'une existence,
Ne laisseriez passer
Que ce qui fait la raison d'être,
L'essence même du vécu.
Au plus profond il sélectionne, 
Comme un filtre actif, il agit.

Puis ces reliquats, ces ersatz,
Qui nous caractérisent,
S'accumulant, se mélangeant,
Agissant chimiquement
L'un sur l'autre,
Dans ce réceptacle,
Ils se fondent, s’interactivent,
Pour de notre mémoire devenir,
Ce que l'on nomme les souvenirs.

Curieux phénomène que ce jeu
Miraculeux et subtile
Qui, par un effet magnifiant de lentille
Par laquelle notre oeil interne,
Le temps passant, intercède.
De notre Passé il se fait
Que ces mêmes reliquats, ces ersatz,
Sont devenus joyaux, perles et diamants,
Pierres précieuses, or fin et pépites...
Alchimie foisonnante et grâce,
Ayant dans l'ombre du cerveau agi.

Accumuler des souvenirs trompeurs,
Par notre mémoire embellie,
Tel semble bien
Notre destin ici-Bas.


Automne 1985 / Janvier 2012

©ClaudeHenriMarron

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