2012/12/06

DÉSIR REFOULÉ

Poule au pot mon cul !


L'animatrice faisait ses habituels allées-et-venues... La guignant du coin de l'oeil, sans perdre de vue ses pipelettes de voisines, Mammy Germaine essuya discrètement ses doigts dégoulinants sur le rebord de la nappe. Un très beau coton suisse, délicatement brodé au point de croix...

Au contact de l'étoffe, elle eut encore ce flash. Vision soudaine d'aube immaculée. Faut dire qu'il avait fait sensation dimanche, le jeune béninois remplaçant. Visiblement tout heureux d'être là, très remarqué également des autres grenouilles de bénitier du secteur. On avait nous, aux Bluets de Marie de Morsang-Sur-Orge, eu ce privilège des présentations préliminaires par Madame la Directrice. Toute première apparition, où on avait fort bien décodé qu'il était tout frais émoulu du séminaire. Première chose qu'on remarqua, surtout, c'était le jean. Il lui collait aux bonbons, au point qu'à la Germaine, ça lui avait délicieusement rappelé le Mick Jagger des premiers temps. Oui, grand-mère date un peu. La plus sexy Pierre qui Roule de son époque bondissait encore sur la scène du Stadium, mais dans les centres médicalisés, et uniquement dans la mémoire de celles qui en avait encore un peu.

D'une table à l'autre, l'animatrice donnait ses habituelles consignes qui invariablement, se perdaient dans un insondable brouillard de réfectoire pour seniors...

Têtant un à un ses minuscules osselets, qu'elle déposait ensuite délicatement sur la nappe, Mammy ne put s'empêcher de soupirer. La vue d'un jeune prédicateur en chair et en os, de toute évidence de sexe masculin et quasiment novice... Voilà bien un de ces plaisirs subtiles réservés aux Mammy. L'unique qui leur reste. Il peut paraître étrange que la figure tutélaire du confesseur vous apparaisse dans un moment de pure jouissance, associé à la dégustation d'un croupion de jeune coq. Mais, si c'est pour vous rappeler ici aux vraies valeurs, l'Église est parfaitement dans son rôle. Un monde si troublé, où bientôt toute différenciation au nom du sexe s'effondrera. Toute allusion même, à la petite "différence", bientôt peut-être, passible des tribunaux...

Mammy se délectait de cet organe appelé croupion, avec lequel la proximité du sexe dit "faible" est bien connue. Tout semble lui prêter des vertus aphrodisiaques. Sur la table dressée au salon autrefois, à cette apparition miraculeuse, le carmin montait aux joues de la ménagère. Et ce n'était pas uniquement à cause de la chaleur dégagée par le four-rotissoire. Ah, sentir vibrer en soi un irrépressible désir coupable de croustillant sous la dent, associé à un moelleux qui vous gicle d'un délicieux gras dans la bouche. Le tout dégusté un poil après la Messe, le dimanche, de préférence. Comme un indispensable liant de l'identité nationale rôti à la broche, depuis Jeanne d'Arc...


JAMAIS SANS MON CROUPION !


L'histoire a vécu des départs de révolution, verra bien des régicides encore avant que la volaille rôtie ne disparaisse de nos assiettes, et ne perde surtout son irrésistible croupion. Auchan et consorts ont eu beau promouvoir la pré-découpe volaillère comme symbole de progrès -pur alibi marketing, ça oui c'est pratique- ils ne sont jamais totalement parvenus à annihiler le goût, bien français, pour la volaille intégrale. Doit-on ce fait aux Mammies? Vu qu'avec la pré-découpe, excit les moins "nobles" parties animales, disparues comme par enchantement...

Mammy Germaine n'a jamais pu piffer celles-là -les mêmes qui vous font du point de croix à l'atelier du mercredi- qui gavaient leurs compagnons à pattes de pâté pour chat-chat à mémère. Richement présenté dans de véritables petits écrins aux noms exotiques, couleurs seyantes, à bases ocre et or le plus souvent. Au poids mini, au prix maxi, à valeur ajoutée proprement astronomique. Allez savoir de quoi était précisément fait le pâté en question !

Autre raison profonde, le croupion est aussi un lieu de concentration hormonale par excellence. Comme l'éléphant s'enivre des baies de l’arbre marula, un peu trop mûres, pour oublier les turpitudes de la vie en savane -on s'y emmerde beaucoup croyez-moi... Ingérer goulûment un croupion, c'était comme se shooter proprement aux phéromones de jeune coq. Irrésistible! Et l'association d'idée avec un représentant du culte bien de sa personne est immédiatement fait.

Rien à foutre, si la poule-à-bouillir compte désormais pour des nèfles dans le chiffre d'affaire au rayon volailles du centre Leclerc. On aura beau dire, et louer le bon Roi Henri... Poule-au-pot mon cul ! Rien ne vaut un vrai coq, entier, et certifié Label France. 

Tiens, si elle avait assez d'audace, Mammy monterait bien sur la table là, pour lancer à tue-tête: - vive le croupion! Sauf que la dernière fois, en représailles et pour une semaine complète, l'animatrice lui avait sucré les digestifs !

C'est pas pour rien, qu'entre copines, on l'appelait l'emmerdeuse...




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